Evolution des espaces de travail dans le temps


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Moyen-âge : Dans la concentration et l’isolement le plus total

Tout commence au Moyen-âge avec la création de ce qui pourrait s’apparenter aujourd’hui au salariat. Les moines travaillent alors dans le scriptorium. Leur bureau, du même nom, était composé d’un banc et d’un pupitre avec parfois un écritoire, un lutrin et une armoire pour ranger les livres. Il y avait fréquemment des marchepieds qui soulevaient les genoux afin d’y poser le livre. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque seul les religieux étaient instruits ainsi qu’une poignée de gens riches qui engageaient alors un pédagogue privé. Le travail des moines consistait surtout à retranscrire des manuscrits afin de garder les savoirs de l’antiquité, dans la concentration et l’isolement le plus total. Ces deux valeurs de travail prédominent d’ailleurs pendant plusieurs siècles. Pendant la renaissance au XIIIe siècle, ce ne sont plus exclusivement les religieux qui ont le pouvoir intellectuel. Désormais les sciences et le commerce se développent de même que l’entrepreneuriat. On recherche alors des travailleurs éduqués, qui savent compter. Des tables de travail sont utilisées pour la comptabilité, la rédaction ...

Du XVIIe siècle au XVIIIe siècle : l’administration , classer et archiver l’information

Face aux enjeux environnementaux et de développement durable, le secteur du bâtiment et de la construction est, plus que jamais, confronté à un besoin d’innovation. Il représente 38 % des émissions mondiales de CO2 ! Année après année, les architectes se sont aperçus que l’observation de la nature permettait d’innover durablement, notamment pour les bâtiments publics. Depuis, le vivant est devenu leur nouvelle source d’inspiration et la recherche architecturale a pris un nouveau tournant.

En architecture, le biomimétisme entraîne des coûts environnementaux et financiers moindres que les solutions additives conçues par l’être humain. En effet, selon le biologiste Peter Niewiarowski, si ces dernières sont basées sur l’utilisation de matériaux et d’énergie, deux ressources chères, les processus naturels, quant à eux, exploitent des fonctionnalités uniques. Un processus qui revient à faire mieux avec moins.

Source : gallica.bnf “Midi, arrivée de Mr le Chef de Division, travail obligé“

Le XIXe siècle : De nouveaux moyens de communication

Le XIXe siècle marque le début de l’industrialisation des pays. Une des conséquences est l’évolution du mode de travail avec une augmentation de la population ouvrière au détriment du secteur agricole. Apparaissent aussi les premiers bureaux commerciaux. Grâce au téléphone et autres inventions comme le télégraphe et les chemins de fer, les activités administratives et la gestion des entreprises peuvent être délocalisées en dehors du lieu de production. Cependant, les employés de bureaux sont encore minoritaires, ayant pour conséquence que leur travail est considéré comme improductif dans le processus industriel. L’organisation du travail se base alors sur le modèle du Taylorisme, jusque dans le mobilier. Les espaces de travail sont épurés et ne contiennent que l’essentiel. Tout est aménagé d’une manière stricte, rationnelle et fonctionnelle dans le but d’être productif. Les employés sont disposés en ligne dans une grande salle et travaillent de manière intensive et à la chaîne. Même les fenêtres sont placées bien au-dessus des têtes afin qu’ils ne soient pas déconcentrés. Seuls les supérieurs hiérarchiques peuvent prétendre à un bureau personnel. C’est une époque où la productivité est bien plus importante que le bien-être de la personne au travail.

Un bâtiment important dans l’aménagement de l’espace de travail est le Larkin Administration Building construit en 1904 par Frank Lloyd Wright à New York. Ce dernier permet d’accueillir plus de 1800 travailleurs. Il est un précurseur en termes organisationnels car il comporte de nombreuses inventions comme l’air conditionné, la notion de nuisances sonores avec des murs et du mobilier phonique. Frank Lloyd Wright dessinera aussi le mobilier de ces bureaux dont les premières chaises à roulettes.

Le XXe siècle : les open space, les cubicles et les flex-office

Dans les années 1930, les entreprises commencent à vouloir exprimer leur identité, à se démarquer. En 1936, Frank Lloyd Wright construit le Johnson Wax Building : le siège mondial de la marque ainsi que la partie administrative. Ce lieu, par son organisation spatiale, devait améliorer la vie quotidienne des employés et par la même occasion améliorer leur productivité. « Si vous donnez de la dignité et de la fierté dans le cadre du travail, cela sera meilleur pour la production » d’après M. Wright. Le pari semble gagné puisque le patron, M. Johnson a confirmé une augmentation de 25% de la productivité ! A l’intérieur le plan est libre, il n’y a pas d’angles. Tout s’organise autour d’une grande salle de travail sans cloison : l’ancêtre de l’open space. Cette nouvelle implantation devait faciliter la circulation de l’information en rapprochant les groupes de travail qui se côtoient beaucoup. Il n’y a toujours pas de vision sur l’extérieur qui est compensé par un plafond avec de la lumière artificielle. On retrouve aussi une hiérarchisation de l’espace avec des mezzanines qui entourent la grande salle de manière à ce que les chefs de service aient une vue sur les employés. Les bureaux de la direction sont aussi en hauteur et celui de M. Johnson est même le seul à avoir une vue sur l’extérieur ainsi qu’un balcon. De manière globale l’organisation du travail se fait de cette manière : l’administration se trouve dans de grandes salles, les managers dans des bureaux individuels et les plus hauts placés dans des bureaux beaucoup plus luxueux et disposant de larges couloirs.

Frank Lloyd Wright a donc été un précurseur de l’open space. Mais il faudra en réalité attendre les années 60 avec l’apparition de l’ordinateur (et donc par la même occasion des changements dans les modes de travail) pour que ce concept se mette réellement en place. A cette époque, les employés commencent à en avoir assez de ces espaces rigides et hiérarchisés qui sont peu motivants pour eux. C’est comme cela qu’en 1968, le designer Américain Robert Propst conçoit le premier « mini » bureau : le « cubital » qui engendrera l'open space. Le système consiste en un plan de travail fixé à un panneau à mi-hauteur et qui est relié à deux autres cloisons pour former une petite cellule ouverte sur un côté. Ces cubicles accolés permettent de faire des aménagements diversifiés et les salariés disposent d’une zone d’intimité tout en restant dans un espace sans cloison et de toute hauteur.

L’open space permettait d’augmenter la superficie de l’espace avec un très faible investissement, mais très vite des points négatifs vont apparaître : l’uniformité du lieu, l’absence de personnalisation et les distractions causées par les voisins et dont on ne peut pas en échapper.

Au cours des années 70, des rapports vont être rédigés afin d’améliorer les conditions de travail. Les demandes sont de redonner aux espaces une échelle cohérente avec la vie de groupe et d’individu. Pour la petite histoire, un incident confirme le mécontentement : lors d’une grande sécheresse en 1976, l’intense chaleur perturbe la climatisation des tours. Dans ces espaces sans ouvertures, la situation dégénère rapidement au point que le travail doit cesser dans certains bâtiments.

Dans les années 80-90, le travail dans les entreprises devient beaucoup plus souple, avec des équipes qui sont plus autonomes, plus flexibles. L’information devient plus fluide et les outils informatiques conditionnent les nouveaux espaces de travail.

La demande est alors que les bureaux soient capables de répondre à ces changements, de s’adapter aux besoins. Naît alors le « non-territorial office » ou, sous son autre nom le « combi-office » qui va permettre plus de flexibilité dans l’aménagement mais aussi pour l’utilisateur. Les lieux ne sont plus aménagés selon les besoins du moment, mais désormais des espaces définis accueillent des services spécifiques comme la photocopie, les réunions, ... Les salariés circulent eux-mêmes entre ces espaces. Les années 1990 inaugurent en effet une période où l’organisation spatiale se superpose à l’organisation du câblage qui lie les appareils entre eux et les relie aux moyens de communication avec l’extérieur.


En 1995, la société Andersen Consulting basée à Paris adopte le non-territorial office. Les salariés n’avaient donc plus de bureau attribué mais juste un caisson sur roulettes individualisé. Il faut alors réserver un bureau pour une durée variable. Ce type d’organisation est surtout adapté pour les gens souvent en déplacement, ce qui permet à l’employeur d’aménager moins de bureaux que le nombre effectif de ses salariés. De nos jours, on pourrait comparer cela au flex-office qui est exactement basé sur les mêmes principes.

Frank Lloyd Wright construit le Johnson Wax Building, Source: wikimédia commons

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Le XXIe siècle : les nouvelles façons de travailler ont engendré de nouveaux espaces de travail

Qu’en est-il des années 2000 ? Comment travaille-t-on actuellement ?

La nouvelle génération de travailleurs a des exigences bien précises et différentes des autres générations. « Avoir une reconnaissance personnelle par le sens donné au travail et par une appartenance au sein de l’entreprise plutôt qu’une valorisation statutaire ». (Génie des lieux, 2016, 52). Leur espace de travail doit les inspirer, être agréable voire informel (quelquefois juste un endroit où poser son ordinateur). Ainsi se développe ce qu’on appelle le bureau « lieu de vie » avec une tendance pour le design. Parce que la technologie devient vraiment prédominante à partir de ces années, le travailleur devient beaucoup plus mobile. On n’est donc plus nécessairement obligé de travailler à un bureau. On en vient même à y mettre des canapés, des poufs voire des paniers de basket !

En 2005 émergent les espaces de co-working ou les « tiers-lieux » . Cela consiste à travailler dans un autre lieu que son entreprise comme des cafés par exemple (les “Coffice”).

Ces nouveaux environnements permettent au travailleur d’être plus libre : c’est lui qui choisit où travailler et comment. Cependant, on s’est vite rendu compte que les banquettes de café n’étaient pas si confortables et de plus que quel que soit le lieu, on ne peut pas s’étaler comme on veut ! À Paris, la Cantine est le premier lieu de coworking à ouvrir ses portes en 2008.

Le concept s’étend même plus loin comme le montre les bureaux KWERK (prononcer quirk, qui désigne un trait de caractère original). Basés dans le 8ème arrondissement de Paris. Ces bureaux ouverts ou privatifs ont été pensés par l’architecte Albert Angel et son co-fondateur Lawrence Knights. Chez eux, la notion de bien-être est plus que présente. Pour commencer, chaque nouveau membre a droit à un rendez-vous personnalisé avec une spécialiste des thérapies douces. Elle établit ensuite un profil qui va permettre d’orienter la personne vers des cours appropriés pour canaliser, équilibrer ou dynamiser ses énergies. Ils proposent même des conseils nutritionnels ! Le travailleur aura accès à ces cours de manière illimitée en solo ou à des cours collectifs. De quoi vous rebooster !

Ensuite, les bureaux sont variables et réglables et le mobilier propose différentes types d’assises afin d’encourager les positions actives et de préserver la colonne vertébrale. Leur but était de réinventer la façon de travailler dès le mobilier.

D’après une étude récente de Arthur Loyd, en 2012 et 2017 les espaces de coworking ont étés multipliés par 9 en Ile-de-France !